(Jean-François Husson)

Cimetières de Namur et Jambes: « Leur sacrifice ne sera pas oublié ! »


Ce dimanche 8 novembre, c’était Remembrance Sunday, la journée du souvenir de la première guerre mondiale pour les Britanniques. Compte tenu des circonstances, seuls des hommages en petit comité ont été organisés – dans le respect des consignes sanitaires – aux cimetières de Belgrade et de Jambes.

Ces cérémonies d’hommage ont été tenues à l’initiative de la Royal British Legion, Brussels Branch et de l’association Namur and British Military History, avec la participation du Commissariat aux relations internationales de la Ville de Namur et de la Fédération Royale des Militaires à l’étranger (FRME), section Namur et environs.

Le Namurois Jean-François Husson, enseignant à l’UCLouvain, à la HENALLUX, membre de la Royal British legion, Brussels Branch, et animateur de Namur and British Military History, nous rappelle que 421 tombes de militaires britanniques et de l’Empire, tombés lors ou des suites des deux guerres mondiales, reposent en Province de Namur.

Voici son compte-rendu dans son intégralité.

« Au cimetière de Belgrade (Namur), où reposent 245 militaires britanniques et de l’Empire, une couronne de la Royal British Legion a été déposée sur la tombe de Sr Elsie Mabel Gladstone, une des deux seules infirmières britanniques à reposer sur le sol belge. Infirmière au parcours admirable, elle est morte à Namur en janvier 1919 à l’âge de 32 ans, des suites de la grippe espagnole. L’association Namur and British Military History a d’ailleurs proposé que son nom soit donné à une rue namuroise.

Une couronne de la Ville de Namur a été déposée sur la tombe du soldat Florian Filiatreault, du Royal 22e Régiment canadien français. Ce régiment, toujours existant, est très lié à la Ville de Québec (où se trouve sa base historique), avec laquelle la Ville de Namur est jumelée. Il avait fait l’objet d’un hommage particulier pour le centenaire de sa mort, le 31 janvier 2019.

(Jean-François Husson)

Ces hommages ont été ponctués par le Last Post, le Réveil et les hymnes nationaux. Des petites croix commémoratives de la Royal British Legion ont été déposées sur plusieurs tombes.

  • Pour le centenaire de sa mort, sur celle de Patrick Hally, mort à l’âge de 25 ans il y a exactement 102 ans, ce même 8 novembre, en 1918, du 18th Royal Irish Regiment (voir notice en annexe) ainsi que sur celle du premier mort de la guerre qui repose à Belgrade, Patrick O’Connor, mort le 26 août 1914, issu de ce même régiment qui s’était distingué lors du siège de Namur par le roi Guillaume III d’Angleterre en 1695 et dont l’action est à l’origine de la marche militaire « Namur » de l’armée britannique.
  • En hommage aux morts britanniques de la secondaire guerre mondiale : Harry Sambrook, de la Royal Air Force (RAF), mort en septembre 1940 à l’âge de 28 ans et seul mort de la seconde guerre mondiale reposant à Belgrade.
  • En mémoire du plus jeune mort britannique à reposer dans ce cimetière : J. Marshall, de la RAF, mort à l’âge de 17 ans le 24 février 1919.
  • Enfin, les organisateurs ont souhaité associer à cet hommage des soldats provenant d’unités de différentes parties du Royaume-Uni : Herbert Markham (The Queen’s West Surrey Regiment), mort de diphtérie le 10 novembre 1918 alors qu’il était prisonnier des Allemands ; Stanley Duffill, mort à l’âge de 19 ans le 13 novembre 1918, du Leicestershire Regiment (ces deux régiments ont combattu à Namur en 1695) ; John Wylie, mort le 10 novembre 1918 à l’âge de 20 ans, de la Black Watch (Ecosse) et David Owen, mort en février 1919, des South Wales Borderers (Pays de Galles).

Hommage a également été rendu aux combattants belges et alliés du cimetière de Belgrade et aux victimes du bombardement d’août 1944 ainsi qu’aux militaires belges morts en mission à l’étranger.

Des remerciements ont été adressés aux Britanniques honorant les tombes de soldats belges en Grande-Bretagne en ce Remembrance Sunday.

La commémoration s’est poursuivie au cimetière communal de Jambes où repose, à côté du monument aux morts, la tombe du soldat Patrick Byrne, des Royal Dublin Fusiliers, mort à Jambes le 18 novembre 1918, entre l’armistice et l’arrivée à Namur des troupes britanniques et canadiennes. »

A savoir au sujet de la partie britannique du cimetière militaire de Namur

  • Cette partie du cimetière comprend 245 des 421 tombes de soldats britanniques qui reposent en Province de Namur ; certaines sépultures, précédemment en Province de Namur, ont parfois été déplacées vers d’autres lieux d’inhumation comme Heverlee (en particulier des aviateurs de la 2e guerre mondiale) et Saint-Symphorien (Mons).
  • Les tombes sont entretenues par la Commonwealth War Graves Commission. Les tombes sont complétées par un registre et un panneau explicatif explique le déroulement des opérations militaires.
  • Tous les soldats qui reposent à Namur sont morts durant ou des suites de la première guerre mondiale, à l’exception d’un pilote abattu en 1940.
  • Y reposent des soldats de tout l’Empire britannique : le Royaume-Uni de l’époque (Angleterre, Pays de Galles, Ecosse, Irlande), Afrique du Sud, Australie, Canada, Inde, Nouvelle-Zélande. Après les Britanniques, les Canadiens sont les plus nombreux (44), ce qui s’explique par les nombreuses unités canadiennes passées ou basées en région namuroise entre novembre 1918 et mi-1919. Parmi eux, Florian Filiatreault, du Royal 22e Régiment canadien français (la base historique du R22R est situé dans la Citadelle de Québec), qui avait fait l’objet d’un hommage particulier pour le centenaire de sa mort.
  • L’infirmière Elsie Mabel Gladstone, morte à Namur en 1919 alors qu’elle soignait des patients touchés par la grippe espagnole, est une des deux seules femmes de l’armée britannique qui repose en Belgique.
  • Le décès le plus ancien est celui de Patrick O’Connor, du 18th Royal Irish Regiment, tué dès le début de la guerre, le 26 août 1914. Ce Régiment avait pour surnom « The Namurs » en référence à sa devise et son action à Namur lors du siège de 1695.
  • Le dernier décès lié à la première guerre mondiale est celui de Hugh Morris, 23 ans, The King’s (Liverpool Regiment), mort le 16 octobre 1919.
  • Parmi ceux dont on connait l’âge, le plus jeune est J. Marshall, de la RAF, de 17 ans, mort le 24 février 1919. Le plus âgé est Alfred Shepherd, 48 ans, un chauffeur du Royal Army Service Corps, mort le 9 février 1919. Comme eux, nombre de décès datent de fin 1918 et début 1919. Outre quelques accidents, il s’agit principalement de décès à la suite des blessures ou des mauvais traitements subis en captivité ainsi que de décès causés par la grippe espagnole.

A l’honneur

Elsie Mabel Gladstone (27 mars 1886 – 24 janvier 1919)

Queen Alexandra’s Imperial Military Nursing Service

(Cimetière de Namur)

Née en Inde au sein d’une famille de militaires, elle est sa famille vive à Jersey au moment du déclenchement de la guerre. Elle suit une formation d’infirmière au Guy’s Hospital de Londres de juin 1912 à juillet 1915. Aussitôt diplômée, elle s’engage au sein de la Civil Hospital Reserve puis du Queen Alexandra’s Imperial Military Nursing Service.

Elle a servi en France à partir d’août 1915, notamment sur des bateaux-hôpitaux t des trains médicaux. Elle fait partie de la cinquantaine d’infirmières qui ont reçu une formation d’anesthésistes pendant la guerre, afin de compenser le manque de médecin. Cela constituait une énorme responsabilité dans les circonstances de l’époque et ce rôle a été contesté car d’aucuns trouvaient que ce n’était pas un rôle de femme.

En 1919, elle servait au sein du 48th Casualty Clearing Station (CCS). Cette unité était arrivée à Charleroi le 22 novembre 1918 et s’est installée à l’hôpital militaire de Namur le 30 novembre 1919. Dès le 1er décembre, l’unité était pleinement opérationnelle et a accueilli un grand nombre de patients, britanniques mais aussi des civils et des militaires belges, français, italiens, russes et allemands. La 48e CCS resta à Namur sans discontinuer jusqu’en octobre 1919, soit pendant près d’un an d’activités intensives.

Au début 1919, Sr Elsie Gladstone soignait des patients atteints de la grippe espagnole. Elle contracta elle aussi la maladie et décéda le 24 janvier 1919.

Elle s’est vu octroyer la Royal Red Cross mais est décédée avant de la recevoir.

Namur and British Military History souhaite que le role joué par cette infirmière – et, à travers elle, son unité – soit reconnu par le fait qu’une rue porte le nom d’Elsie Gladstone.

A l’honneur

Patrick Hally (25 mars 1893 – 8 novembre 1918)

2e Bataillon, Royal Irish Regiment

(Cimetière de Namur)

Il y a deux raisons d’évoquer la mémoire de Patrick Hally. Tout d’abord, il est mort il y a exactement 102 ans, le 8 novembre 1918. Ensuite, son régiment, le 18th Royal Irish, a pour devise VIRTUTIS NAMURCENSIS PRAEMIUM, rappelant son action lors du siège de Namur en 1695. L’association 18th Regiment of Foot Royal Irish Regiment (& South Irish Horse) Association™, qui conserve la mémoire de ce Régiment, nous a donné les informations suivantes.

Le 2e bataillon du Royal Irish Regiment, qui avait son dépôt à Clonmel, dans le Comté de Tipperary, a été parmi les premières troupes britanniques à débarquer en France en août 1914 et a servi pendant toute la Première Guerre mondiale sur le front occidental. Pratiquement détruit en tant qu’unité de combat à trois reprises pendant la guerre, il allait connaître une quatrième épreuve au moment de la grande offensive allemande du printemps 1918, la Kaiserschlacht.

En mars 1918, la 16e division (à laquelle appartenait le 2e Bataillon) était chargée de défendre une section du front au nord de St Quentin. Le 2e bataillon défendait un secteur avancé, autour du village de Lempire. Le matin du 21 mars 1918, un bombardement d’artillerie lourde a causé de graves pertes sur son flanc droit et le bataillon s’est trouvé exposé, entouré par l’ennemi sur 3 côtés. Les pertes ce jour-là furent particulièrement élevées : le colonel J. D. Scott, D.S.O., et 3 hommes tués ; le lieutenant G. J. H. Palmer et 12 hommes blessés ; 16 officiers et 499 hommes portés disparus.

C’est la triste histoire de l’un de ces hommes disparus.

Patrick Hally est né le 25 mars 1893 de Timothy et Anne (connue sous le nom de Nora) de Marlhill New Inn, Comté de Tipperary, en Irlande. Son père était manœuvre.

New Inn est un village non loin de la ville historique de Cashel et, à cette époque, la plupart des habitants travaillaient dans l’agriculture. Le recensement de 1901 nous donne une indication des conditions de vie de la famille : Patrick, ses parents et ses 6 frères et sœurs vivaient dans une maison de deux pièces dans la pauvreté.

Au moment du recensement de 1911, Patrick, à 17 ans, avait quitté la maison et travaillait pour un agriculteur dans le comté de Newcastle Tipperary, à environ 17 kilomètres de chez lui. Les archives indiquent qu’il a épousé Ellen Breen de Cashel en 1917 et qu’ils ont eu un fils John né plus tard cette année-là.

Comme environ 60% des registres du service militaire ont été détruits à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale, nous ne savons pas quand Patrick a rejoint le Royal Irish Regiment. Tout ce que nous savons, c’est qu’il a été capturé à Ronssoy le 21 mars 1918 et qu’il a été blessé. Les archives allemandes nous apprennent qu’il est mort le 8 novembre 1918 à l’hôpital de campagne de Binche à l’âge de 25 ans. Il a ensuite été ré-inhumé au cimetière de Belgrade (Namur).

A l’honneur

Patrick Byrne (1883/4 – 18 novembre 1918)

1er Bataillon, Royal Dublin Fusiliers

(Cimetière de Jambes)

Plusieurs tombes individuelles de soldats britanniques se trouvent dans des cimetières communaux en plusieurs endroits de la province. Ainsi, la parcelle du monument aux morts de 14-18 au cimetière de Jambes accueille la tombe d’un soldat de l’armée britannique, Patrick Byrne. Fait surprenant, son nom figure également sur le monument A nos héros, avec les soldats jambois morts durant la guerre. Qui était-il ?

Patrick Byrne était un soldat du 1er Bataillon des Royal Dublin Fusiliers (Fusiliers Royaux de Dublin), une unité d’infanterie de l’armée britannique composée de volontaires irlandais. Né à Dun Laoghaire (ville portuaire des environs de Dublin) vers 1883/4, il était le fils de Charles Byrne et Esther Jordan. Le recensement de 1911 nous apprend qu’il était allumeur de lampes. Marié à Mary Breslin en 1904, il était père de 7 enfants : Essie, Charles, Patrick, Mary-Anne, Cecelia, Albert et Bridget.

Son dossier figurant parmi les dossiers détruits durant les bombardements sur Londres durant la 2e guerre mondiale, des informations sont manquantes mais diverses recherches ont permis de reconstituer une partie de son parcours.

Débarqué en France avant la fin de 1915, il a reçu l’Étoile de 1914-1915 puis la médaille de la Victoire et de la Médaille britannique de la Guerre (attribuée à ceux qui ont servi sur un théâtre d’opération entre août 1914 et novembre 1918).

Patrick Byrne a d’abord été affecté au 9e Bataillon des RDF. A la suite de la fusion d’unités en raison des pertes subies, il se retrouve par la suite au 1er Bataillon des RDF, qui a participé à plusieurs opérations dans le saillant d’Ypres de septembre à octobre 1918. Au cours de ces opérations, l’unité a subi des pertes et des disparus, le plus souvent capturés par les Allemands. C’est sans doute lors des premiers de ces combats, à Ploegsteert (près de Comines) les 4 et 5 septembre qu’il aurait été capturé car certaines sources mentionnent erronément le 10 septembre comme date de décès.

Enfin, les données de la Commonwealth War Graves Commission mentionnent qu’il est décédé le 18 novembre 1918, c.-à-d. après l’armistice mais avant l’arrivée des premières troupes britanniques à Namur le 20. Les circonstances de son décès restent inconnues : est-il mort à la suite de blessures reçues au combat, des mauvais traitements lors de sa captivité, de maladie ou d’une autre cause ?

Qu’est-il arrivé entre septembre et novembre 1918 ? Comment s’est-il retrouvé à Jambes ? A ce jour nous n’en savons rien, malgré les efforts de Madame Canart et de Monsieur Degueldre de la Ville de Namur. La CWGC n’a pas pu davantage nous dire pourquoi il reposait à Jambes et non à Namur (Belgrade). Enfin, le fait que son nom figure sur le monument A nos héros reste aussi une énigme. Tout renseignement est dès lors le bienvenu.

Namur and British Military History est en contact avec ses descendants, dont Mark Harrison (qui nous a fourni de précieuses informations) et Brenda Allan. Une cérémonie en leur présence devait être organisée en avril dernier avec la participation de la Royal British Legion mais a été annulée en raison de la situation sanitaire.

Source: Namur and British Military History
https://www.facebook.com/Namur1695etc

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